L’utopie de la Médecine Humaniste

Une médecine humaniste. Pléonasme diriez-vous. J’aimerais tant vous donner raison. Dans les faits nous avons trop souvent depuis quelques années une médecine capitaliste.

Je ne suis pas en train de jeter l’opprobre sur la corporation à laquelle j’appartiens, loin de là. Si comme partout les « brebis galeuses » existent, elles sont loin d’être majoritaires.

Mais le système nous entraine là où nous perdons notre âme.

 

Qu’est-ce qu’une Médecine Humaniste

Commençons par définir ce qu’humanisme signifie en médecine. L’humanisme, c’est oeuvrer pour que l’homme soit non pas un moyen mais une fin, les diverses règles étant faites pour l’homme et non l’inverse (qui serait du légalisme), l’argent étant fait pour l’homme et non l’homme pour l’argent, etc…

Une médecine humaniste est donc tout simplement une médecine centrée sur le patient ! Cela peut sembler incroyable d’avoir à le préciser, et pourtant…

Depuis Hippocrate, ce principe semblait prévaloir. Cette idée a été certainement à l’origine des remboursements des soins de santé, l’inégalité représentée par le fait de tomber malade étant un peu compensée par un accès au soin pour tous quelque soient les moyens financiers.

Oui mais, ce système est déficitaire. Il ne peut que l’être, disent certains, probablement lucides. On doit cependant éviter qu’il ne le soit trop, au point de le mettre en péril. Les contraintes budgétaires existent donc.

 

La préoccupation première : l’argent et non les patients.

Concrètement, un service hospitalier est à l’heure actuelle responsable de son budget. Celui-ci est calculé en fonction du nombre d’actes (de soin) effectués selon un barême qui attribue à chaque acte un forfait. Ce système s’appelle la tarification à l’activité (T2A). Pour éviter un déficit trop important, un service est donc tenté de faire plus d’actes rémunérateurs et de délaisser les activités qui rapportent peu (par exemple prendre du temps avec un patient pour lui apprendre ce qui concerne sa maladie). L’occupation des lits sera calculée de la même manière une seule nuit rapporte peu au service, deux nuits rapportent plus, à partir de trois nuits c’est beaucoup moins intéressant. Le service est donc tenté de faire rester une deuxième nuit chaque patient mais ensuite de « le faire sortir » le plus vite possible.

J’ai été frappé, en entrant dans la vie professionnelle initialement hospitalière, de voir que la question financière problème est le centre de la majorité des discussions entre soignants. Et ceci non pas pour augmenter leur revenus, fixes quelque soit l’activité du service, mais simplement pour que le service équilibre ses comptes autant que possible !

Pour ne pas donner l’impression à mes confrères hospitaliers que je leur jette la pierre (je ne la jette à personne d’ailleurs !), j’illustrerai aussi ce problème dans le cadre libéral. Le paiement à l’acte (qui est le pendant de la T2A hospitalière) a aussi des effets pervers. Le médecin est effectivement tenté de voir beaucoup de patients en peu de temps. L’Assurance Maladie a elle tendance à faire pression pour que moins d’actes soient effectués même si la santé du malade les justifient ! Tous les médecins libéraux connaissent quelques anecdotes sur le sujet…

Dans toutes ces situations on oublie l’essentiel : la santé du patient ! La médecine a alors perdu son âme humaniste.

Nous voyons donc aussi que tous les plaidoyers pour la rentabilité des soins, ou la gestion « comme une entreprise » sont des dérives de soumission du système de santé au marché éloignant le patient du centre des réflexions. Il ne s’agit pas d’un service comme un autre, il ne s’agit pas de commerce de voitures ni même de vendre des conseils !

 

Retrouver une médecine centrée sur le patient

Nous devons réapprendre, nous tous soignants, gestionnaires du système de soin et politiques en charge des questions de santé, à ne réfléchir que pour le bien du patient ! (Je veux dire pour ce qu’en tant que professionnel nous savons être son bien et non pas pour ce que le patient imagine ou souhaite…) Cela ne signifie pas oublier les problèmes d’argent ! Mais les relativiser, faire toutes les économies possibles qui n’entravent pas la qualité du soin. Cela ne signifie pas non plus se tuer à la tâche, car morts nous ne rendrons plus service à personne.

Il s’agit simplement de retrouver une Médecine Humaniste.

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8 réponses à L’utopie de la Médecine Humaniste

  1. L'hérétique dit :

    Bonjour,

    Je trouve votre blog intéressant et inhabituel : ce n’est pas si souvent qu’un médecin tient un blog, surtout un médecin rural.
    J’ai d’ailleurs déjà signalé votre blog une fois sur le mien :
    http://heresie.hautetfort.com/archive/2009/03/05/les-500-nouveaux-blogs-modem.html
    Seriez-vous partant pour échanger un lien ? Dans la foulée, j’ajouterai votre flux rss au flux Terres d’évangile, ce qui génèrera d’autant plus de visites sur le vôtre (le mien est assez fréquenté : entre 15 000 et 30 000 visites par mois en moyenne, parfois plus).
    Cordialement
    l’hérétique

  2. chalonnais dit :

    Vous avez tout à fait raison , dans ce que vous écrivez. Et nous devons faire un pas en avant pour non pas une utopie, mais pour retrouver une médecine humanisme. Pour vous prover ce que je dis, ici, voici un exemple.
    Lors de ma chute en décembre dans la rue, j’ai été transporter au urgence par les pompiers. Ce n’est pas de moi dont je donne l’exemple, lorsque j’ai attendu dans la salle d’attente pour ma sortie ( papier administrative, il s’est trouver que une personne fut admise au urgence suite à une chute de mobylette causé par une voiture. Cette personne de connaissance d’ailleurs. Cette personne est sortie le jour même des urgence. Plus tard( quelque jours aprés ) j’apprend que cette personne est décédée. Triste nouvelle. Elle aurait été gardée n’est qu’une nuit pour voir l’évolution, elle serait encore en vie aujourd’hui.

  3. drgaudo dit :

    L’exemple que vous donnez est dur, certainement source de désarroi et de révolte envers la médecine pour les proches de la victime. Cependant, il est impossible de se faire une idée de ce genre de situation sans avoir le dossier dans ses détails en main.
    Il n’est pas pensable d’avoir pour principe de garder une nuit en observation à l’hôpital toutes les personnes ayant été renversées par une voiture… On doit évaluer la gravité et le risque d’aggravation. Malheureusement le meilleur urgentiste, le plus humain qui soit peut parfois se tromper. Ou bien sans parler d’erreur, dans de rares cas, certains signes de gravité peuvent manquer. Dans les deux cas les conséquences peuvent être graves.

  4. Jean-Maurice GARDEY dit :

    Bonjour,
    L’utopie est toujours très sympathique, surtout de la part d’un médecin que son idéalisme honore. Malheureusement, nous vivons sur terre et en France où le moyen d’échange de biens et de services principal et l’argent.
    Il n’y en a malheureusement pas d’autre à l’heure actuelle et vous en avez besoin aussi bien pour votre vie privée que pour votre vie professionnelle.
    L’oubli de cette contrainte ou pire, sa négation conduit à la gabegie et finalement à la baisse de la qualité des soins. L’argent, toujours lui, provient des patients, des assurances, de la communauté par le biais des impôts et est de toute manière limité.
    L’équilibre est difficile à trouver et que je sache, personne ne l’a jamais atteint.
    C’est triste mais c’est ainsi.
    Bon courage dans le monde réel.

  5. drgaudo dit :

    « L’oubli de cette contrainte (argent) ou pire, sa négation conduit à la gabegie et finalement à la baisse de la qualité des soins. »

    Je suis parfaitement d’accord avec vous pour dire que l’oubli de la contrainte représentée par l’argent est dangereux et de toute façon irréaliste.

    Mon propos est de dire que l’inverse, à savoir l’exaltation de l’argent est tout aussi délétère et conduit tout autant à la baisse de la qualité des soins.

    Il s’agit ni d’oublier, ni d’exalter. Il s’agit simplement de remettre l’argent à sa place, à savoir un moyen et non une fin et le patient à la sienne à savoir une fin et non un moyen.

    En effet, à l’heure actuelle trop souvent le patient devient un moyen de gagner de l’argent. Alors que l’argent, sans oublier qu’il est nécessaire, devrait être un moyen pour soigner le patient.

    Tout ça peut sembler intellectuel, ça ne l’est pas. Au jour le jour, nous avons à faire des choix très concrets entre est-ce que je cherche à gagner plus quitte à faire de la moins bonne médecine ou est-ce que je me préoccupe avant tout de la santé du patient quitte à gagner un peu moins.

    Je prendrai deux exemples très concrets.
    Il existe des services de chirurgie digestive où si vous y mettez les pieds en disant que vous avez mal au ventre, vous êtes à peu près sûr de ressortir sans votre appendice, quelque soit la cause initiale de la douleur abdominale (je caricature). Tout simplement parce que le service a besoin de « tourner » ou pire, parce que le chirurgien veut gagner plus (alors qu’il gagne déjà suffisamment !). C’est néfaste pour le patient, surtout s’il n’a pas d’appendicite et qu’il fait des complications de la chirurgie (parfois un décès).
    Un autre exemple, un généraliste nouvellement installé qui a encore peu de patients ou installé dans une zone de surdensité médicale est à l’heure actuelle tenté de faire revenir ses patients trop souvent en consultation. Ce n’est pas délétère pour ceux-ci (quoique) mais ce n’est pas non plus réfléchir avant tout à leur santé qui n’a pas besoin de consultations superflues.

    L’équilibre est difficile à trouver, c’est pourquoi j’ai employé le mot d' »utopie » dans le titre.

    Notre devoir est d’essayer d’améliorer les choses tout d’abord en se sentant responsable et en apprenant à ne pas confondre moyen et fin.

    Seuls ceux qui essaient de tendre vers un progrès ont permis quelques avancées. Ceux qui ont renoncé parce que « personne n’y est jamais arrivé » contribuent à la dégradation de la société.

    Ca aussi c’est la réalité.

  6. Danielle L. dit :

    Bonjour,

    Avez-vous rencontré Mehdi Benchouffi, le vice-président du bureau national des jeunes démocrates ?
    Lors de la rencontre des jeunes démocrates de Poitou-Charentes à St Jean d’Angély, il nous a aussi donné ses idées pour l’amélioration de l’installation de médecins en zone rurale.

  7. drgaudo dit :

    Non, je ne l’ai pas rencontré, s’il le souhaite je serais heureux d’aborder ce genre de sujet avec lui.

  8. patatlas dit :

    L’argent est au milieu de tout, donc on ne peut pas faire autrement nous dit Jean-Maurice, et il renvoie toute autre pensée au titre de l’utopie. Il est même interdit de penser autre chose! Règne de la pensée unique?
    Il est tellement une fin en soi, qu’il amène bien des excès (voyez la crise financière actuelle, ce que j’appelle « appât du gain ») et interdit de penser autrement.
    Il n’y a rien d’utopique à imaginer autre chose, de remettre l’argent au niveau du moyen comme le dit Dr GauDo. En particulier si l’on se réfère aux multiples conférences depuis trente sur les soins primaires (Alma-Ata 1978) et la promotion de la santé (Ottawa 1986).
    Il n’y a pas que remettre le patient au centre du système, il y a à revoir l’ensemble des politiques pour mettre la santé au centre de toutes les activités.
    Je lance le blog: http://santepublique.lesdemocrates.fr/ pour en parler.

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