Médecins généralistes par défaut ?

Sortant à peine de la formation médicale initiale, j’aimerais vous faire part de certaines réflexions concrêtes, sans autres prétentions.
L’idée globale qui m’est restée de ces études est comme d’autres le disent qu’en France, les médecins généralistes sont formés par défaut.

La récente généralisation du concours de l’internat (épreuves nationales classantes) à tous les étudiants a amoindri parmi ceux-ci l’idée qu’on devient généraliste parce qu’on a échoué, sans pour autant modifier totalement la donne.

Prenons les études dans l’ordre chronologique.

Première année de médecine

J’approuve le système de sélection en début d’étude. Ce système est certes contestable mais il a de gros avantages en l’état actuel. Il permet de sélectionner des étudiants capables de suivre le reste du cursus convenablement. Il évite la perte de temps, d’énergie, d’argent constatées dans d’autres pays (Espagne) où après 6 ans d’études acharnées, seul un petit nombre accèderont à la profession.
On pourrait envisager une sélection avant l’entrée en faculté de médecine. Celle-ci risquerait cependant de moins bien sélectionner les étudiants capables d’affronter la suite des études. De plus le système de la première année, permet d’ingurgiter une somme de connaissance utile pour la suite. Cela reste dommageable pour ceux qui échouent, mais moins qu’on ne le pense, ayant été dans une ambiance de travail intense pendant un ou deux ans, leur réussite dans d’autres filières semble supérieure à la moyenne. Il serait bon évidemment de développer les passerelles avec ces filières.

Le gros point noir du système de sélection est l’absence de prise en compte des qualités humaines pour accéder aux études médicales. Une idée à développer serait un stage au sein d’une ONG (en France ou à l’étranger) avant la sélection de la première année. Cela serait une contribution à la solidarité et servirait aussi d’évaluation en situation.

Je ne reviens pas sur le problème du numerus clausus, de la démographie médicale. Je soulignerais simplement le scandale représenté par les augmentations brutales de ce numerus. Des amis de 1ère année ont « loupé » le concours à quelques places et auraient été largement pris l’année suivante avec les mêmes résultats…

Deuxième et troisième années

Les 2è et 3è années constituent une même entité : poursuite des matières fondamentales, application à la santé.

Il est un point auquel j’aimerais rendre hommage : l’imprégnation dans le monde de la pratique médicale dès l’entrée en 2è année. Le stage infirmier d’1 mois dès le premier jour, les stages de « sémiologie » à raison de 2 à 3 demi-journées par semaine en 2è-3è année, la présence à l’hopital tous les matins de la 3è à la 6è année. Je plains les étudiants allemands qui doivent attendre la 6è année pour approcher le premier patient.

Les défauts des 2è-3è années sont surtout les détails inutiles pour la pratique de certaines matières fondamentales. Je pense en particulier à la biochimie, à la bactériologie (j’avais dû apprendre par coeur toutes les caractéristiques enzymatiques de chaque bactérie…)

Quatrième, cinquième et sixième années

Enfin viennent les 4è-5è-6è années où l’on apprend la pathologie. Le principe n’est pas mauvais, la mise en œuvre presque catastrophique. En effet l’enseignement est fait pour chaque pathologie par le spécialiste de la question ce qui ne semble pas illogique. Le problème c’est que chaque spécialiste estime que nous devrions en savoir autant que lui. Ce qui devrait être une véritable formation de généraliste, à savoir répondre à la question : quand je suis face à ce patient en cabinet, que dois-je faire ? se transforme en formation de multispécialiste. On a ainsi essayé de nous contraindre à retenir les doses nécessaires pour chaque type de radiothérapie, les 1000 et 1 protocoles de chimiothérapie etc…

Ceci est purement contre productif. Il est impossible à un esprit humain de retenir un tel niveau de détail sur un programme aussi vaste. Il ne sera nécessaire à aucun médecin de connaitre ces détails dans toutes les spécialités.

Le bilan ? On finit le tronc commun avec des détails plein la tête mais sans avoir les idées claires pour la pratique courante.

Internat de médecine générale

Là commence l’internat, de médecine générale en ce qui me concerne. Et l’on se dit : « chouette, pendant ces 3 ans, outre la pratique passionnante à raison d’environ 70 à 80 heures par semaine, on va avoir des cours théoriques par des généralistes qui vont bien mettre les choses au point pour une pratique quotidienne en cabinet ».

Quelle désillusion… Les généralistes en question, de la meilleure volonté du monde, estiment qu’on en sait autant qu’eux sur les questions de pathologie et refusent de nous en parler. Ils préfèrent d’autres sujets que croient-ils nous n’avons jamais abordés (alors que nous avons eu des dizaines d’heures…) concernant la relation médecin-malade, la politique de santé etc… Ces sujets sont éminemment passionnants mais concrêtement, ce n’est pas ce qui nous pose le plus problème au jour le jour.

Quand ces généralistes enseignants pensent que les étudiants en savent autant qu’eux sur la pathologie, ils ont tort, ils en savent plus qu’eux. Mais ils le savent mal, parasité par trop de détails et inapplicable concrêtement. Pour avoir une bonne formation en médecine générale nous souhaitions deux choses : qu’ils reprennent les recommandations ou consensus ou autres références et qu’ils nous expliquent selon leur expérience comment les appliquer concrêtement dans le contexte du cabinet.

En conclusion

Il serait très important de revoir cette formation pas tant sur le fond, ni même la forme mais sur sa réalisation concrête pour permettre une adéquation à la pratique future en médecine générale. Cette formation pourrait se faire dans le cadre de l’enseignement de la pathologie en faisant intervenir conjointement ou parallèlement un spécialiste et un généraliste.
Les cours théoriques de l’internat de médecine générale serviraient alors à nous préparer effectivement pour tout ce qui ne concerne pas la pathologie.
Les spécialistes quant à eux serait ainsi formés d’abord à la médecine générale puis pendant leur internat approfondirait leur spécialité, ce qui semble simplement logique.

Ainsi, les généralistes ne seraient plus formés par défaut, le choix pour la médecine générale ne serait plus synonyme d’échec, la pratique de cette médecine gagnerait en compétence et en reconnaissance.

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4 réponses à Médecins généralistes par défaut ?

  1. coutansais dit :

    je trouve l’analyse extrèmement pretinente elle doit nous guider dans notre réflexion (commission santé) du projet
    le principe du »compgnonage » au file des consultations et des visites est une pédagagie simple mais souvent efficace. de plus l’hyper spécialisation de la medecine supprime une vision globale des probles du patient avec un risque de passer à coté de choses simple et ou de bon sens . c’est ce qui exoplkique aussi le recours excessif aux spécialistes. où est la médecine interne et la clinique di médecin traitant

  2. toda dit :

    Coucou!je viens apporter de l’eau à ton moulin!
    comme c’est bizarre!mon époux est médecin généraliste, militant médecine générale depuis le début,très content de l’évolution vers une reconnaissance de la spécificité de la médecine générale, bien entendu il a presque toujours un stagiaire…

    Pour en arriver à la pathologie: dés le début de ses études, il a suivi une formation de médecine traditionnelle chinoise, acupuncture, ou l’interrogatoire et l’examen du patient sont primordiaux, il a été FFI ‘faisant fonction d’interne)dans un petit hôpital de sous préfecture avec un chef de service excellent clinicien, et a fait son service civil en Mauritanie, pays à l’époque avant dernier plus pauvre du monde avant le Bangladesh…presqu’ aucun examens dans la capitale, rien en brousse: seuls ses cinq sens, son expérience…
    En effet, il serait logique de commencer par un enseignement de la médecine générale, commun, puis de spécialiser…comme tu le suggère, à moins que l’on ne pense que le généraliste ne doive disposer de qualités bien supérieures à celles requises pour un exercice de spécialité un peu routinier!=)

  3. angrywash dit :

    Très bon post !
    Tu as su parfaitement retranscrire la façon dont se déroule notre formation avec ses nombreuses faiblesses et surtout les séances avec les médecins généraliste qui parlent de tout sauf des problèmes que l’on rencontre en début de rempla…pathologie ou autre.
    C’est clair que des mises au point sur des pathologies et la façon de les prendre concrètement en charge quand elles se présentent aurait été 1000 fois plus utile que les discutions interminable et stériles sur un détail du topo et avec pour résultat des idées bien embrouillées et sans apport personnelle de la part du généraliste qui manifestement et malgré toute sa bonne volonté n’était pas vraiment préparé a nous tranmettre quelque chose.
    longue vie a ton blog.
    pierre

  4. bicais dit :

    A la fac de Marseille ,le doyen traitait les internes de médecine générale de « canada dry » et avait dit que l’on ne mélangeait pas les torchons et les serviettes c’était vers 1985.Comme si les généralistes étaient des sous-médecins et les larbins des spécialistes.Installée depuis 15 ans dans le var je suis écoeuréé de la profession et devient dépressive ;j’ envisage d’ailleurs de quitter ce métier même si mes patients me sont très fidèles et compréhensifs( mais cela ne vaut pas la peine de se suicider).Peut-être trouverais-je une nouvelle motivation;Merci si vous m’avez lue.Brigitte Bicais La Seyne sur mer

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